Pandémie Covid-19 : Pourquoi le sang de ceux qui ont guéri d’un coronavirus ne peut-il pas être un vaccin ?
La pandémie à Coronavirus, désignée Covid-19 par l’organisation mondiale de santé continue sa chaîne de propagation à travers le monde. La Chine épicentre a pu s’en sortir en faisant recours au plasma de sang issu des personnes guéries. Cette stratégie l’a permis de soigner d’autres patients sans pour au tant trouver un vaccin curatif. Mais pourquoi ? Julien Gravier, chimiste pharmaceutique à Nancy, France apporte des précisions. Lisez…
Pourquoi le sang de ceux qui ont guéri d’un coronavirus ne peut-il pas être un vaccin ?
Parce que c’est impossible. Dans les films sur les épidémies, on prend le sang d’une personne immunisée, on l’injecte à tout le monde, et bim, les malades sont guéris et les autres protégés. Dans la réalité un vaccin et un remède sont deux choses différentes. Il n’y a que dans de très rares cas (la rage par exemple) où l’on peut injecter le vaccin après le début de l’infection et espérer une guérison. Un vaccin prépare le système immunitaire *avant* l’infection. Et si vous injectez directement le sang du patient vous allez vacciner contre le groupe sanguin et le système MHC du donneur.
Mais si on prélève les anticorps dans le sang d’un patient immunisé on ne va pas pouvoir vacciner : les anticorps injectés vont circuler un temps avant de disparaître. Par contre, vous pouvez traiter une personne déjà malade. Le problème, ça va être les quantités.
N’y a-t-il pas encore une technique pour produire des anticorps dans les laboratoires de notre médecine d’aujourd’hui?
Ça c’est un autre problème de la science dans les films : souvent les scientifiques ont juste le temps de boire le café après avoir prélevé le sang d’une personne immunisée, et ils ont un remède. Et ils en ont évidemment suffisamment pour traiter tout le monde. Dans la réalité, il y a des techniques qui permettent de copier des anticorps, mais ça demande du temps et de la chance. Il faut :
•Prélever et épurer le sang d’un ou plusieurs patients guéris.
•Faire des tests d’affinité sur l’ensemble des protéines du virus en espérant avoir suffisamment d’échantillons d’anticorps des patients.
•Avoir la chance qu’il y ait au moins un anticorps de haute affinité pour une des protéines virales plutôt qu’un cocktail de différents anticorps moyennement actifs contre plusieurs protéines.
•Décortiquer l’anticorps pour pouvoir connaître sa séquence d’acide aminés.
•Construire un gène qui permette de reconstruire un anticorps avec la même séquence.
•Insérer le gène dans un plasmide.
•Transfecter des bactéries à l’aide du plasmide.
•Les cultiver pour produire l’anticorps.
•Purifier l’anticorps pour éviter que des résidus bactériens ne contaminent l’échantillon et ne provoque des morts chez les patients.
•Produire suffisamment en quantité et dans des conditions de stérilité optimale pour pouvoir réaliser des essais cliniques.
•Faire des tests de toxicité aigüe.
•Avoir la chance que l’anticorps en question soit suffisamment sélectif pour ne pas provoquer des effets indésirables chez d’autres patients.
•Si les tests de toxicité aigüe montrent qu’il existe une fenêtre thérapeutique suffisamment large, passer aux essais d’efficacité.
•Si les tests d’efficacité sont bons, vous pouvez enfin vendre votre anticorps pour soigner les malades ! (oui vendre, parce que toutes les étapes au-dessus ça coute cher)
•J’oublie certainement des étapes de test (Pharmacocinétique, pharmacodynamique, etc.)
De l’étape initiale à l’étape finale, on compte jusqu’à une dizaine d’année. Et c’est SI ça marche. Parce que si vous ne trouvez pas un anticorps de haute affinité (le corps peut produire une multitude d’anticorps moyennement efficaces mais avec différentes cibles, pour nous, c’est plus compliqué), c’est cuit. Et même si vous trouve un tel anticorps, ça n’est pas parce qu’il marche contre une protéine dans une fiole qu’il va marcher sur le virus complet dans un patient. Et même s’il marche il y a toujours les risques d’effets secondaires.
Ça n’est pas impossible (le Cetuximab est un exemple d’anticorps utilisé dans le traitement des cancers) mais c’est très difficile à faire.
La rédaction de School224