Guinée/Télé-enseignement : Ousmane Bangoura met son savoir à contribution et donne le ton

Ousmane Bangoura est un jeune journaliste de profession actuellement en service au programme des volontaires du système des Nations Unies. Pour l’aide citoyenne dans la lutte contre le Covid-19, il a débuté un télé-enseignement sur son compte Facebook et dans un groupe qu’il co-anime, grammaire française pour tous.
Dans cet entretien téléphonique qu’il nous accorde, il revient plus en détail sur cette initiative et ses objectifs.

School 224: Expliquez nous l’initiative des vidéos sur des cours de grammaire que vous publiez sur Facebook.
Ousmane Bangoura: Les vidéos que vous avez vues en ligne traduisent une marque de solidarité de ma personne vis-à-vis des élèves qui sont en grand nombre et qui sont actuellement confinés dans les maisons…
Comme il y’a des outils très puissants actuellement à notre portée, je parle bien sûr de l’internet, jai réalisé que même à la maison on peut essayer d’apprendre. Et cette initiative n’est pas une roue que j’ai réinventé dans la mesure où le télé-enseignement se trouve dans la plupart des pays.
Donc même si l’initiative n’est pas encore développé chez nous, je pense que la Guinée ne doit pas faire l’exception aux autres pays qui essaient déjà la solution pour rapprocher les élèves davantage à leurs maîtres.
Comment participer à ces cours?
Si vous remarquez, j’ai publié les vidéos sur mon propre profil. Ce qui veut dire que mes amis et les amis de mes amis peuvent voir la vidéo. Au-delà de tout, j’ai précisé dans mes vidéos que toute personne qui souhaite comprendre plus, en savoir plus sur le contenu que j’enseigne, les gens peuvent me poser des questions dans les commentaires.
Et déjà l’accueil a été très chaleureux vis à vis de mes vidéos dans la mesure où j’ai avoisiné presque les dix mille et quelques vues, ce qui est un peu rassurant. Ça me prouve à suffisance que les gens attendaient cela et donc, les gens peuvent réagir à travers les commentaires, à travers les partages et tout autre moyen.
Également les gens peuvent m’écrire en privé, je suis disposé à répondre à toutes les questions relatives à l’enseignement que je donne.
Que pensez-vous faire à travers cette action citoyenne et quelles sont vos attentes?
Mes attentes surtout de la part des élèves qui constituent mes principales cibles c’est leurs réactions. Je veux attirer leur attention sur le côté positif du réseau social Facebook parce que je constate que la plupart du temps, les jeunes passent leur temps à acheter des connexions et quand la connexion est achetée, au lieu d’aller sur Google faire des recherches, regarder des tutoriels, des cours pour enrichir d’avantage leurs cerveaux, ils préfèrent plutôt faire des photos, répondre aux commentaires qui n’apportent pas nécessairement grand-chose à leur culture intellectuelle.
En faisant cet acte, je me positionne comme ce puits qui est soucieux du développement du système éducatif de son pays.
Je pense que la meilleure façon pour moi de profiter de ce savoir là c’est de partager en grand nombre avec les autres pour que ceux-ci puissent partager, profiter aussi de ma petite expérience.
Comment se déroule la réalisation des vidéos ?
J’aimerais bien le faire avec une équipe de production proprement dite mais j’évolue avec mon assistant Ibrahima Sory qui est également journaliste et donc, je mets à la disposition de ceux-ci mes équipements de base: ma caméra, mon trépied, mon micro et déjà le tableau même que j’utilise, je l’ai emprunté dans le quartier ici.
Certains vous accusent de ne pas avoir la qualification requise pour donner ces cours. Qu’en dites vous?
Bon, je commence par dire que le meilleur enseignant ou la meilleure enseignante c’est celui ou celle qui est capable d’extérioriser son savoir, qui est capable de faire comprendre une catégorie de personnes sur ce qu’il dit donc l’enseignement au-delà même de sa scientificité, c’est tout un art, un don. Il y’a parmi nous des gens qui sont experts, qui sont professeurs mais lorsque vous leur demandez d’expliquer leur savoir aux autres, ça devient tout un problème pour eux.
Par contre d’autres qui ne connaissent pas beaucoup de choses mais le peu qu’ils connaissent là, partager ce peu là ça devient pour eux un don naturel… On a pas besoin que tu sois professeur, on a pas besoin qu’on soit docteur, on a pas besoin qu’on soit qui que ce soit, la meilleure façon, cest la volonté de faire.
Cette volonté a la primauté sur les intérêts donc une fois de plus je n’ai pas besoin d’être un enseignant agrégé en la matière pour pouvoir donner quelques enseignements mais l’essentiel est que l’enseignement que je donne soit vrai et qu’il soit bien assimilé par ceux qui regardent la vidéo.
Dans le groupe de grammaire française pour tous que vous animez sur Facebook, il y’a d’autres professeurs de diverses matières. Comptez vous les associer?
Oui mais en fait, l’initiative n’est pas encore une fois de plus une roue que j’ai inventé, ça existe aussi dans les autres pays. Si les autres aussi se sentent capables d’expliquer dans les autres matières aux étudiants ou aux élèves, les mains sont largement tendues donc c’est ça l’initiative.
Moi je veux que ça prenne de l’ampleur, que ça prenne une dimension nationale, que chacun se sente concerné par la formation d’autrui même si toi tu n’as aucun enfant à l’école… C’est pour freiner l’élan de faire mal les choses que l’initiative a été lancée.
Les mains sont vraiment tendues à tout autre qui se sent capable d’expliquer une question. Nous tendons la main pour qu’ils viennent dans ce sens là.
Vous prévoyez d’autres actions dans le futur pour aider à la lutte contre le Coronavirus ?
Si vous avez remarqué au tableau il y’a une phrase qui dit respectons les consignes.
Et moi je ne suis pas professionnel de santé, en tant que citoyen ce que je peux faire dans la lutte, c’est de partager les informations essentielles, c’est de partager les consignes dans ma petite sphère sociale pour que les gens respectent les consignes des autorités sanitaires parce que ces consignes ne viennent de nulle part sinon d’une réflexion professionnelle et approfondie.
Comment pensez vous aider ceux qui sont dans des zones reculées sans réel accès à l’internet ?
L’initiative est là mais on ne peut pas aider tout le monde à tout moment. C’est vrai qu’il y’a beaucoup de jeunes qui se trouvent actuellement à l’intérieur du pays mais le monde est devenu tellement planétaire que je ne crois pas que ce nombre soit aussi important que ça dans la mesure où les numéros de téléphones sont communiqués.
Avec le vouloir tout peut arriver. Il faut une motivation. Il ne faudrait pas qu’on aille chercher les élèves où qu’ils soient. Par contre, c’est les élèves qui doivent venir chercher le savoir…
« Si par exemple c’est une vidéo de Sextape, ça devient beaucoup plus virale par rapport à une vidéo qui parle de l’enseignement… »
Pour ceux qui se trouvent à l’intérieur du pays pour le moment, les moyens ne me permettent pas de pouvoir les toucher mais tout ce que je peux faire pour eux peut-être si par hasard quelqu’un tombe sur mon numéro de téléphone, je serai très ravi de répondre à toutes les questions, je suis disposé à donner des cours même par téléphone et je pense que je vais me faire comprendre avec le petit atout que j’ai.
Avez vous un appel à lancer à l’État, aux autorités éducatives et aux apprenants ?
Il faut que l’Etat fasse de l’éducation une priorité… Si vous voyez que jusqu’à présent aucune solution n’est venue de nulle part en Afrique, c’est parceque l’éducation a longtemps été bafouée.
Il faut que nous inversions cette tendance pour éviter que nous soyons toujours à la queue de l’humanité.
Propos recueillis par Elisabeth Zézé Guilavogui