Koubia : Les tares du système éducatif, comment remédier ?

Lors de la publication des résultats des examens nationaux, session 2020, la préfecture de Koubia a enregistré un taux d’échec catastrophique, qui a interpellé plus d’un sur la faiblesse de l’éducation guinéenne dans cette localité. Le manque d’engagement des autorités, le faible niveau chez certains enseignants, le manque de volonté chez d’autres, l’indifférence des parents d’élèves et l’implication des élèves dans des activités génératrices de revenus et la démission de l’Etat seraient entre autres les causes de cet échec. Pour en parler, la rédaction de School224 a joint un enseignant en situation de classe. Il a répondu à nos questions sous couvert d’anonymat.
School224 : Quelle lecture faîtes-vous du système éducatif dans votre préfecture ?
Enseignant : De façon générale, l’éducation est pourrie. A Koubia, aucune condition n’est réunie pour que l’éducation des enfants soit une priorité. Cela est dû à beaucoup de facteurs. Non seulement l’autorité ne s’implique pas, mais aussi les enseignants n’ont pas le niveau ni la volonté de se donner à fond.
Une fois je quittais la DPE en compagnie d’un collègue. Je lui ai dit : » je n’ai pas encore terminé ma préparation de la semaine« . Il m’a répondu : » mais jusqu’à présent toi tu prépares les leçons ? C’est des choses qui sont archaïques. Nous nous avons même oublié si ça existe« . J’ai dit, « pourquoi pas, un enseignant il faut préparer des leçons« . Voilà un exemple de cas palpables.
School224 : cet échec est donc mérité ?
Enseignant : tous les visionnaires voyaient cela venir. L’éducation à Koubia est sur le sable mouvant, la base n’existe plus. Vous pouvez voir un élève de l’élémentaire, de la 1ère en 6ème année, sauf à l’examen qu’il peut voir la dictée ou le problème. Un tel élève continue jusqu’au collège. L’intéressé aura beaucoup perdu.
School224 : Quel rôle a joué l’inspection régionale de l’éducation sur le terrain ?
Enseignant : les gens qui viennent sur le terrain ne connaissent pas les réalités de Koubia. Quand ils viennent, ils se limitent à la Direction Préfectorale de l’éducation (DPE). C’est eux qui vont leur donner des directives. Parfois, ils choisissent les meilleurs établissements où Koubia peut être sauvé. Il y a des écoles même où le directeur n’est pas à la hauteur. Donc, vouloir envoyer des gens dans ces écoles pareilles, ça décrédibilise l’éducation dans la préfecture.
School224 : l’autorité éducative en place serait-elle mise en cause avec tous ces facteurs ?
Enseignant : il y a des gens qui n’ont rien à faire à la DPE. Ils viennent le matin. Comme ils sont natifs d’ici, ils s’asseyent dans la cour. Vers 12 heures, ils se séparent. Celui qui veut aller boire du thé se lève et s’en va. Ils se disent formateurs mais en réalité, ils ne forment personne. Pourtant, ils savent qu’il y a des difficultés dans les écoles notamment le manque de niveau des enseignants. Leur rôle devrait consister à améliorer la formation des enfants. Mais les écoles sont abandonnées à elles-mêmes. Sauf si l’enseignant est conscient, il s’intéresse à l’avenir des enfants.
School224 : l’école forme mais le suivi des enfants revient aux parents dit-on ?
Enseignant : je n’accuse pas trop les parents d’élèves, la plupart sont analphabètes. Ce qu’on les présente, ils prennent ça en compte donc ils ne savent pas si les enseignants sont méritants ou pas méritants.
Souvent vous pouvez rencontrer dans certains villages, les enfants ils se retrouvent d’abord à 6 heures du matin au tour du feu parfois il y en a qui rentrent à l’école à 9 heures. Comme ça, ils ont tué une heure de cours donc tout ça joue sur l’éducation des apprenants.
School224 : Quelles solutions proposez-vous pour relancer le système éducatif du côté de Koubia ?
Enseignant : l’Etat doit avoir l’œil sur cette préfecture parce que toutes les conditions ne sont pas réunies pour que les meilleurs enseignants qui y viennent restent. Il n’y a pas de route, pas d’électricité, pas d’eau, ce qui fait que les conditions de vie sont misérables.
Aux autorités éducatives, elles doivent essayer d’aider les enseignants en difficulté pour la formation continue, aller régulièrement dans les écoles pour contrôler où se trouve le mal et le corriger.
Du côté des enseignants, vous êtes censé éduquer les enfants, vous savez que vous êtes formé pour ça, ceux qui sont sous vos responsabilités, il faut les aider. Souvent il y a des enseignants qui trompent l’autorité, en falsifiant parfois les notes des élèves pendant les évaluations, ils savent le faible niveau des apprenants afin de dissimuler leurs incompétences aux yeux des autorités.
Quant aux parents, ils ne doivent ni se décourager ni trop se focaliser sur les traditions et coutumes. Qu’ils sachent, les enseignants sont pour le devenir de leur préfecture. Préparer l’avenir de leurs enfants est certes, difficile mais pas impossible. Pour cela, ils doivent prendre conscience et redoubler d’efforts.
Aux élèves aussi, s’ils se disent « même mes frères aussi sont passés ici, personne n’a pu terminer« . Je vais m’intéresser au commerce ou à la moto, tout ça continu à aggraver leur avenir. Ils devraient être plus conscients. Dès que ces conditions citées-là sont respectées, ils pourront s’adapter.
Camara Ousmane, (Natif de Moriah)