DCE de Matoto :  Les faits selon Mamadou Binta Diallo, accusée de détournement

DCE de Matoto :  Les faits selon Mamadou Binta Diallo, accusée de détournement

Depuis quelques jours, une vente frauduleuse de kits scolaires destinés aux élèves de la commune de matoto oppose Kenda Bailo Diallo, nouveau directeur communal de l’Éducation (DCE), à l’une de ses deux magasinières, Mamadou Binta Diallo. De source sûre, il s’agit d’environ 41 000 kits sur 138 000 qui sont portés disparus. Or, ce n’est qu’un montant de 10 millions dont on fait cas. Cette dernière ne nie pas les faits et parle de trahison. Des indiscrétions indiquent que ce scandale est né du fait que le DCE aurait réalisé que ce montant est dérisoire par rapport aux kits soustraits du magasin. Lisez donc le film de l’évènement!

Comment cette histoire à la DCE de matoto a débuté?

De retour de Gaoual et Fria où j’ai exercé au compte de l’éducation à ma sortie de l’école nationale d’instituteurs (ENI de Conakry), j’ai travaillé durant 5 ans à l’inspection régionale de l’éducation (IRE) de Conakry avant d’être mutée à la DCE de matoto en 2018.

Quand je suis arrivée, M. Tounkara (actuellement à la retraite), directeur de l’école qui abrite le magasin auquel on m’a affecté m’a fait part de l’existence de rouleaux de tenues bleus, blancs et kakis qui ont été extrait du magasin pour deux pièces qui devraient servir de toilettes. Il y avait même 45 rouleaux de tenues derrière lui que Bady Soumah, du SAF (Service Administratif et Financier) d’alors l’aurait donné pour revendre.
Je suis partie informée M. Daouda Doumbouya, DCE d’alors qui a dépêché un cadre de la DCE dénommé Tounkara, pour constater les faits. A notre retour, ce dernier a fait son compte rendu au DCE mais celui-ci n’a rien fait.

Mme Rama Diallo (responsable du deuxième magasin de la DCE) est finalement venue prendre les rouleaux stockés dans les toilettes. Je suis directement allée dire au DCE mais il n’a pas réagi. Deux jours après, j’ai raconté le scénario a Mme Rama. Elle m’a répondu « si tu vois que le DCE n’a pas réagi, c’est qu’il en connait quelque chose ». Donc, j’ai eu une idée de ce qui se passait.

Que s’est-il passé ensuite?

Quelques temps après, un conteneur a été débarqué dans mon magasin. Je pense que 10 ont été affectés à la commune de matoto, mais je n’ai pas pu vérifier parce qu’ils n’ont pas accepté de me donner le bordereau, car j’étais très marginalisée par ma collègue et son staff. Entre temps, on s’est retrouvé avec 2 SAF car le ministère du budget a nommé Baldé Ibrahima Sory à la DCE, (parceque l’ancien devrait prendre retraite, ndlr). On a eu un directeur intérimaire du nom de Samoura qui voulait vraiment assainir les choses. Il a fait en sorte que chacun fasse son travail, sans qu’il ne soit marginalisé.

A deux mois de l’installation du ministre Guillaume Hawing, j’ai obtenu une audience auprès de lui. Je lui ai expliqué comment les choses se passent à la DCE. Il a pris mon nom et mon contact mais jusque là, je ne vois pas de résultats.

Comment toute cette affaire a été révélée?

Je suis allée à Dakar pour des raisons personnelles. Jai laissé les clés du magasin avec M. Baldé sur instruction du directeur par intérim. A mon retour, j’ai trouvé que 200 cartons de livrets ont été descendu dans mon magasin. Après, je suis partie dans le bureau de l’actuel DCE pour lui faire le compte, comme demandé à tout le personnel. Il a apprécié et finalement, on est devenu de bons amis.

Entre temps, il y a eu d’autres fournitures, notamment 1000 cartables. Les borderaux d’arrivées sont disponibles.

Un jour, il m’a dit que puisque les livrets ne sont pas utilisés, qu’on va discuter de comment se faire un peu d’argent. Je suis allée me renseigner sur le coût du livret, puis je suis allée chez lui pour qu’on en discute. Finalement, je suis passée à l’acte et j’ai obtenu 10 millions pour lui.
Je suis venue à la DCE pour lui remettre l’argent mais il m’a demandé de passer par la petite porte, parceque celle où se trouve sa sécrétaire est fermée, et c’est ce que j’ai fait.

Il m’a fait promettre de garder le secret. Je l’ai rassuré, mais tout en le mettant en garde que s’il en parle, j’en ferai autant.
Quelques 20 jours après, le DCE m’a appelé dans son bureau. Mais avant d’y aller, j’ai trouvé le responsable du SAF entrain de réunir de l’argent de part et d’autre dans son bureau. Après, il m’a rendu les 10 millions plus une chemise que je l’avais offerte (qu’elle a envoyé du Sénégal pour revendre ndlr). Lorsque j’ai fait la remarque au DCE, la responsable des ressources humaines, Mme Anna, qui était aussi présente a interféré pourqu’il reprenne au moins la chemise, mais j’ai dit non.

Ça a commencé à me titiller mais il y a eu une accalmie, jusqu’à ce que le SAF propose de distribuer les livres qui sont dans mon magasin. A chaque fois que quelqu’un soulève la question, le DCE esquive l’opportunité, mais finalement on est allé. M. Baldé a fait l’inventaire et il a relévé des manquants. Quand on m’a demandé des justifications, j’ai gardé le silence, prétextant qu’on est tous responsables du magasin puisque c’est lui qui avait les clés durant mon voyage.

C’est ainsi que l’ancien directeur communal par intérim, M. Samoura a été saisi pour éclaircir les faits et finalement, je l’ai avoué la vérité. Ce dernier a estimé qu’une faute reconnue est à moitié pardonnée. Il voulait qu’on fasse un règlement à l’amiable, d’autant plus que ma collègue magasinnière s’est rendue coupable d’une faute plus grave. Il m’a fait signer une lettre d’engagement pour ne plus refaire cela, mais que le DCE a rejeté à plusieurs reprises, au profit d’une lettre où je reconnais les faits, qu’il a dès le lendemain transmise à l’IRE, pour me faire porter tout le chapeau.

Aussitôt, on m’a appelé à l’IRE pour me faire signer à nouveau une lettre de reconnaissance, chose que j’ai refusé, arguant que le DCE est aussi responsable. J’ai répété les faits devant Mme Léontine et elle a répondu : « vous êtes une femme. On vous a fait le malin. Néanmoins, je vais convoquer le DCE et après, vous confronter ».

Le lendemain, on m’a appelé pour une confrontation avec le DCE mais finalement, ce dernier accompagné du SAF et du responsable des ressources humaines s’est entretenu seule avec l’inspectrice. Après, sa sécrétaire m’a laissée rentrer pour la saluer. Je lui ai expliqué la raison de ma présence. Elle m’a répondu : « Non ! Retournez-vous, vous allez régler ça avec votre directeur ». Je suis rentrée chez moi après eux.

Vous avez été ensuite arrêtée…

Le lendemain, M. Kaba en provenance de l’IRE m’a demandé de remettre les clés à une dame que le DCE aurait envoyé pour me remplacer, ce que je n’ai pas accepté. Le SAF et lui ont finalement haussé le ton, mais je suis resté catégorique.

Au moment où je m’apprêtais à rentrer, j’ai croisé des policiers à la porte. Ils leur ont dit de me prendre, je me suis sentie trahie et j’ai tout déballé en public.

Finalement, on m’a envoyé au commissariat de la tannerie où j’ai été mise à la disposition des femmes policières, qui m’ont bien traité.

Cela s’est passé le mardi 14 mai dernier. Le jeudi, la police m’a demandé de restituer les clés. Ils sont allés constater le stock et effectivement, il correspondait au dernier inventaire. Ils m’ont fait signer un engagement pour garder le silence et remis un acte de suspension que j’ai accepté. J’ai été libéré vers 16h. C’est en cours de chemin, vers Simbaya que deux journalistes d’un média m’ont appelé pour me parler à propos. Je leur ai expliqué qu’on s’est entendu de garder le silence.

Le même soir, M. Fodé de l’IRE m’appelle pour me dire que l’histoire s’est retrouvé sur la page Facebook du SLECG (syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée), mais je ne l’ai pas pris mal.

Quelques minutes après, c’est une amie qui m’appelle pour la même chose. C’est quand l’un de ces journalistes m’a appelé que jai compris que l’affaire est entrain de prendre une autre tournure. Il semble que certains m’accusaient de construire une maison, d’avoir deux boutiques à Kagbelen dont une boutique de vêtements et un magasin de livres. C’est ainsi que j’ai accepté de recevoir le journaliste pour une interview car qui garde le silence consent.

Qu’est ce qui vous frustre dans cette affaire ?

Précedemment, ma collègue Rama a été prise en flagrant délit avec 2 camionnettes de livres dans son magasin sis à Simbaya. C’est le responsable du SAF, M. Baldé, qui est parti la libérer à la gendarmerie en disant : « vous n’avez pas le droit d’arrêter nos cadres. C’est nous qui devons porter plainte contre eux ou les mettre à votre disposition ».

Par la suite, M. Samoura en a été informé par des médias notamment. C’est ainsi qu’il a fait une note pour rendre la dame à l’inspection régionale de l’éducation de Conakry. Environ une semaine après, juste après la nomination du nouveau DCE, Kenda Bailo Diallo, Mme Léontine Cissoko, actuelle directrice regionale de l’éducation de Conakry a dépêché quelques cadres pour la rétablir dans ses fonctions. Il s’agit entre autres de Sacko Moussa, chargé des ressources humaines de L’IRE et Fodé Camara, chargé de matériel de l’IRE.

Quand j’étais au commissariat, des personnes sont venus s’enquérir de ma situation mais personne de la DCE. Mme Léontine est une femme. Elle m’a laissée pour compte contrairement à Mme Rama. Le chargé de sécurité est le seul qui est venu me voir. Lors de nos échanges, il m’a dit de restituer l’argent au risque de me faire déférer. Je lui ai dit qu’ils peuvent me déférer parce que je n’ai plus d’argent.

Quel est le montant total qui a été engrangé dans cette affaire ?

En réalité, je n’ai pas l’habitude d’écrire. Même pour mes courses au marché, je ne limite pas mes dépenses, je dépense juste tant que j’estime nécessaire.
Il se peut que j’ai gagné plus que le montant que j’ai proposé au DCE, mais je ne sais pas exactement combien. En plus, quand le DCE m’a rendu l’argent, je suis descendu à Cosa pour acheter des mangues. J’avais mon écharpe et mon sac. Finalement, j’ai oublié le sachet où l’argent se trouve dans le taxi mais je n’en ai plus fait cas.

La rédaction School 224

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